Qui dira notre nuit
Sinon nous-mêmes ?
Nous qui touchons hors nous le non-voir
nous portons le non dire
Qui d'autre sinon nous-mêmes
Pour nommer ce qui sans cesse advient :
Lenteur du jour et langueur
Fureur du jour et frayeur
Imminente joie ardente
Immédiate mort atroce
Au plus noir du non-voir
La clarté lunaire rouvre le jardin :
D'heure en heure
revit le cycle nocturne
Pour peu que nous le désirions
Nous serons à même encore
De cueillir au cœur de l'étang
magnifié par l'oubli, le lotus
Teinte de jade au tintement sourd
Senteur de mousse sur la sente du cœur
Se soulève alors le battement de sang
de toutes les marées d'antan
Un filet de voix
Plus bas que nos murmures
cherche sans fin à renouer le fil
L'antique rêve est-il rompu ?
L'antique chant interrompu ?
Nous qui prêtions âmes aux astres
Étoile filantes nous-mêmes
Nous sommes venus
Nous avons vécu
Hors nous en nous
Voir et dire ont laissé trace
Qui départagera à notre insu
En notre nuit
Source de la lumière
et sillons d'étoiles ?
François Cheng
Qui dira notre nuit
Arfuyen-2003
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